Henri Deluermoz commença son apprentissage de peintre dans les ateliers de deux maîtres qui marquèrent leur siècle par deux visions très différentes du monde, mais tout aussi significatives de l’époque, Gustave Moreau, symboliste, et Alexandre Roll, qui peignait le réalisme social sous fond de grands travaux parisiens. Henri Deluermoz s’initia à la gravure, et commença à graver les œuvres des autres, afin de gagner sa vie, tout en travaillant pour lui-même d’autres sujets de son inspiration.
La grande guerre vint interrompre durant quatre ans son travail et sa recherche sur les animaux, mais pendant cette période, il acheva une série d’œuvres consacrée aux massacres et aux victoires. La guerre finie, Henri Deluermoz reprit le chemin du Jardin des Plantes et du zoo de Vincennes, afin d’y étudier la morphologie et le caractère des grands fauves, qui devinrent sa plus grande source d’inspiration.
Les aquarelles, les dessins et les huiles de cette première période ont encore cette qualité de dessin appliqué et sensible que Deluermoz avait acquis auprès de ses professeurs, et ce n’est que vers le milieu de sa vie qu’il découvrira vraiment son style. Son dessin s’affirma dans un trait large et englobant, et le mouvement de l’animal fut sa préoccupation première.
Ses envois à la Société Nationale des Beaux-Arts, dont il devint membre du conseil d’administration, lui ouvrirent la voie du succès, et de nombreux collectionneurs français et étrangers acquirent ses œuvres.
Deluermoz s’étant exercé à plusieurs reprises à la gravure, tout naturellement une carrière d’illustrateur s’ouvrit à lui. Comme Jouve, l’esprit particulier du Livre de la Jungle de R. Kipling le séduisit particulièrement et il se mit à travailler l’illustration des aventures de Mowgli et des contes de Kipling. Il illustra également Histoire de Bêtes de L. Pergaud et Les Bestiaires de H. de Montherlant. Ce fut certainement dans l’illustration de ce dernier ouvrage que ses qualités de dessinateur furent le mieux exploitées.
Lorsque Deluermoz ne s’intéressait pas à la forêt africaine, il se passionnait pour une autre terre, l’Amérique. Que ce soit en Amérique ou en Afrique, les artistes de ce début de XXème siècle y recherchèrent les premières traces d’une expression tribale et brute qui portèrent des artistes comme Picasso ou Braque au cubisme.
Deluermoz qui, au début de sa carrière, utilisait une palette aux couleurs vives et acidulées évolua par la suite vers des tons plus proches de ceux de la terre et des couleurs végétales, cherchant ainsi à transcrire l’essence de la nature. Deluermoz n’hésitait pas à cadrer ses animaux pour ne peindre plus qu’un détail, les pattes, les oreilles, de telle sorte qu’il devint à lui seul un graphisme.