








Roger Reboussin
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Catalogues
" Deux heures peut-être quand, vers le coucher du soleil qui éclairait en plein le fossé que je surveillais à près de quatre-vingts mètres par-dessus l'herbe naissante d'avril, je vis apparaître un renardeau d'environ trois semaines. Il flaira aux abords du terrier le sable, et rentra pour ressortir avec deux de ses frères. Et le jeu commença. Je n'avais jamais assisté en pleine nature à ces expansions de la gent goupil. C'était un spectacle plein d'entrain. Sans méfiance, ces petits drôles, dans leur pelage gris fauve tout auréolé de poils mauves dépassant la bourre, se poursuivaient à qui mieux mieux, s'évitaient, se roulaient sur le sol en groupes de lutteurs inoffensifs. Et je me prenais à rire tout seul du comique des situations de ces scènes qui se prolongeaient parmi les jacinthes fleuries aux longues feuilles foulées par ces maraudeurs en herbe. Car j'y voyais déjà les voltes, les parades, habiles et promptes, préparer l'avenir de ces jeunes carnassiers voués à la prise des gibiers divers dont leurs parents leur avaient déjà donné le goût. Pour l'instant c'est le jeu de cette marmaille qui m'offrait sa nouveauté son mouvement ses souplesses et la prestesse instinctive de ses attaques ou de ses défenses.Harmonieusement, la nature contribuait au décor de cette comédie aux phases variées. Un renardeau s'arrêtait brusquement pour décider du parti qu'il allait prendre avant de donner libre cours à son plaisir. Une feuille claire masquait un de ses yeux et c'est moi qui, à mon tour, était amusé par cet incident inopiné. D'autres fois, l'un des joueurs s'arrêtait en plein élan pour gratter une puce agressive. Une fois, enfin, sans que j'ai présumé l'indice de leur inquiétude, les renardeaux rentraient en hâte me laissant les yeux émerveillés de ces scènes qui n'avaient même pas troublé le silence du site par quelqu'aboi intempestif. " Roger Reboussin, La Chasse du peintre, Editions de l'orée, 1981.